LYON-TURIN, UTILE ?
Le trafic de fret ferroviaire s'est effondré
Le projet Lyon-Turin, imaginé dans les années 80, prévoyait une forte augmentation du trafic des marchandises entre la France et l'Italie avec une saturation de la ligne existante en 2012.
Il s'est passé exactement le contraire: le trafic de fret ferroviaire s'est effondré. La ligne ferroviaire qui relie actuellement Lyon à Turin transportait en 1983 10 millions de T de marchandises, mais en 2013 elle plafonnait à 3,4 millions de T ! Cette ligne historique, qui a été rénovée ces dernières années pour 1 milliard € afin de pouvoir transporter plus de poids lourds, est utilisée à moins de 20% de sa capacité.
Le trafic de camions ne cesse de diminuer
Sur la route aussi, depuis 15 ans le trafic de marchandises ne cesse de diminuer. Le tonnage actuel est équivalent à celui de 1987. Le nombre de camions est équivalent à celui de 1992: les promoteurs du projet annonçaient 7000 camions par jour, il n'en passe que 3500. Toutes les prévisions de trafic exprimées par le passé ont été démenties par la réalité: le projet est simplement devenu obsolète, la ligne actuelle ne sera probablement jamais saturée et est en capacité de faire passer dès aujourd'hui TOUS les camions sur le rail.
Prévisions de trafic irrationnelles et sans contre-expertise
Route + fer confondus, les promoteurs du projet tablaient sur 75 millions de T de marchandises: il n'en passe que 22 millions de T ! Il a été imaginé en 1990 pour résoudre des problèmes de 1990... qui ont disparu dès 2002. Il est fondé sur des prévisions de trafic parfaitement irréalistes, qui n'ont jamais été fait l'objet de contre-expertises indépendantes susceptibles de remettre en cause son utilité. Ce qui permet à ce projet d'avancer, avec le puissant soutien des lobby du TP et de politiques d'un autre temps.
Non, la ligne ferroviaire actuelle n'est pas obsolète !
Certains fervents défenseurs du projet Lyon-Turin se plaisent à dire que la ligne ferroviaire actuelle date de Cavours et est trop vieille et trop pentue pour être exploitée. Si c'était le cas, pourquoi avoir investi 1 milliard € dans sa rénovation ?
Par ailleurs, nos voisins suisses et autrichiens réussissent parfaitement à optimiser des lignes ferroviaires aussi pentues et aussi anciennes que la nôtre: 17 millions de T par le tunnel du Gothard en Suisse, 15 millions de T par le tunnel du Brenner en Autriche. Et seulement 3,4 millions de T par le tunnel du Fréjus en France, qui a la capacité d'en accueillir 6 fois plus...
Un projet au mauvais endroit
L'axe Kiev-Lisbonne qui sous-tend le projet Lyon-Turin, ne passe pas par Lyon. Pour joindre l'Italie à la péninsule ibérique, les camions passent plus au Sud par Vintimille, et c'est logique : il y a 100km de moins. Le projet Lyon-Turin est absurde, car il prévoit de détourner un trafic routier qui passe ailleurs, et qui devra emprunter l'autoroute de la vallée du Rhône déjà très encombrée.
Un coût qui explose à 30 milliards €
Le coût total du Lyon-Turin pharaonique ne cesse d'augmenter: prévu à 12 milliards € en 2002, il a été est évalué par la Cour des Comptes à plus de 26 milliards €. Pour le seul tunnel international de 57km, on parlait de 2 milliards € en 2002; on parle à présent de 12 milliards € (!), alors que les travaux n'ont même pas encore commencé. Même constat pour les travaux d'étude : initialement prévus à 371 millions €, on parle maintenant de 1,2 milliards € ! Une étude européenne a encore récemment confirmé la gabegie financière que constitue ce projet.
Ce qui est stupéfiant avec le Lyon-Turin, c'est la légèreté du management d'un projet aussi lourd. Son utilité n'a jamais été évaluée au regard de son coût. Aucun calcul des tarifs de péage, aucune projection de chiffre d'affaires, aucun calcul de rentabilité. Dans les conditions actuelles, son retour sur investissement se monterait à plus de 6 siècles ! La Cour des Comptes française a épinglé à plusieurs reprises le Lyon-Turin dans différents rapports officiels, mais jusqu'à présent elle semble parler dans le vide. Lire à ce sujet l'article de Politis du 14 aout 2014 : "Le projet ne sera jamais rentable et sera payé par les contribuables".
Le rapport de la commission Mobilité 21 (rapport Duron) du 27 juin 2013 est également sévère pour le Lyon-Turin, qu'il relègue en seconde priorité en soulignant "l’incompatibilité des projets Lyon-Turin et Canal-Seine-Nord avec la réalisation d’autres projets compte tenu des disponibilités financières".
Exemple récent: le tunnel du Perthus, mis en service en 2003 entre la France et l'Espagne, enregistre 400 millions € de dette à cause de prévisions de trafic trop optimistes. En juillet 2015, son concessionnaire TP Ferro dépose le bilan ! C'est encore une fois le contribuable qui épongera.
Alors que l'endettement de la France (2000 milliards €) s'accroit chaque année et que des efforts financiers sans précédent sont demandés aux Français, c'est encore le contribuable qui paiera 2 fois pour financer ce projet inutile: une 1ère fois pour le construire, une 2ème fois pour subventionner son exploitation déficitaire.
Un trafic voyageurs insignifiant
Le Lyon-Turin est également prévu pour transporter des voyageurs. Cependant, là aussi les prévisions se sont lourdement trompées: en 1990, les promoteurs du projet prévoyaient 15 à 19 millions de passagers pour 2012, il n'en passe en 2014 que... 1 million avec 3 TGV par jour AR pour Milan passant par la ligne historique et la voie ordinaire en Italie. Plus personne ne prévoit un trafic multiplié par 10 ou par 15, pas même par 2.
Ce projet ne peut pas être justifié non plus par le trafic voyageurs.
Voyageurs: des gains de temps insuffisants
Les promoteurs du Lyon-Turin crient haut et fort que la ligne mettra Paris à 4 heures de Milan contre 7 heures actuellement. Ces chiffres sont en réalité mensongers.
Le trajet Paris-Lyon s'effectue aujourd'hui en 7 heures, incluant entre 7 et 9 arrêts avec la partie Turin-Milan sur une ligne normale (il existe une LGV mais elle n'est pas utilisée à cause d'un différend entre la SNCF et les chemins de fer italiens). Le Lyon-Turin prévoit de raccourcir le trajet Paris-Milan précisément à 4 heures 15mn... mais en omettant de préciser que cette durée n'inclut pas les arrêts ! En comptant les arrêts, on rallonge la durée de 1 heure 15mn, ce qui porte la durée du trajet à 5 heures 30mn: en réalité, on gagne juste 1 heure !
Même constat entre Lyon et Turin: le gain de temps proposé par le Lyon-Turin est de 50mn.
Alors, 30 milliards d'euros pour 1 heure de trajet en moins, est-ce bien raisonnable ?
Un nombre de créations d'emploi dérisoire
En matière de création d'emploi, les pronostics sont des plus fantaisistes. Le 13 mars 2012, Louis BESSON annonçait 3 000 emplois. En juillet 2012, Bernadette LACLAIS parlait de 4 000 emplois... et le Magazine Rhône Alpes écrivait 30 000 emplois. En novembre 2012, la Transalpine annonçait 6 000 emplois. En septembre 2014, Jean-Jacques QUEYRANNE parle de 12 000 emplois. Qui doit-on croire ?
La réalité est vraisemblablement plus proche de 2 000 emplois temporaires pendant la durée du chantier, dont une majorité de travailleurs détachés. Pour s'en convaincre, il suffit de considérer le tunnel de base du Saint-Gothard en Suisse, de longueur strictement identique, qui n'a créé que 1 800 emplois.
En phase d'exploitation, ces emplois auront disparu, et les retombées économiques seront nulles pour les territoires traversés, car un train n'a jamais créé d'emplois sur son passage.